Le récent prix Nobel de Physique décerné au physicien Anton Zeilinger a mis en lumière la recherche quantique en Autriche, et à l’Université de Vienne (pour plus d’informations, consulter la veille du mois d’octobre 2022). Parmi les nombreux groupes de recherche, les groupes Walther et Aspelmeyer sont des références de l’expertise autrichienne en recherche quantique. L’institut français d’Autriche est allé à la rencontre des chercheurs et jeunes chercheurs de physique de l’Université de Vienne.
Le groupe Walther : des principes fondamentaux du quantique à ses applications concrètes
Le groupe Walther, dirigé comme son nom l’indique par le Prof. Philip Walther, se concentre sur le développement de technologies quantiques pour des applications dans le domaine de l'information et pour des recherches en science quantique. Sa spécificité est de travailler avec les photons, particules élémentaires de la lumière.
Les chercheurs de ce groupe travaillent au développement de protocoles possibles avec le quantique, des calculs sont développés puis testés en laboratoire. Mathieu Bozzio est postdoctorant français et travaille au sein du groupe Walther. Il explique que le « protocole » est seulement publié si l’application dans le laboratoire a réussi. L’un des principaux domaines de de groupe de recherche est la cryptographie quantique, un domaine qui développe des méthodes pour garantir les systèmes d’information en utilisant les propriétés quantiques et sur lequel travaille Mathieu Bozzio. « La crypto-quantique peut être utilisée, dans le cadre par exemple des cartes de crédit. Il s’agit d’ajouter une couche supplémentaire de sécurité en utilisant des protocoles quantiques, par exemple, qui se reposent sur le principe du quantum coin flipping, principe sur lequel deux joueurs distants et se méfiant mutuellement veulent se mettre d'accord sur un bit aléatoire sans dépendre d'une tierce partie, ou bien encore sur un protocole autodétruisant le programme (One time programme) ».
De plus, le groupe Walther fait partie de l’une des initiatives les plus ambitieuses de la Commission européenne dans le domaine du quantique : le Quantum Flagship, financé à hauteur d’un milliard d’euros pour une période de 10 ans, dont l’objectif principal est de réussir à commercialiser de la crypto-quantique. Selon Mathieu Bozzio, « les collaborations entre la France et l’Autriche dans ce domaine restent encore peu développées ». Il espère que « de nouveaux ponts seront créés dans les années à venir».
Mathieu Bozzio in seinem Labor. ©Institut français d’Autriche
Le groupe Walther figure également parmi les groupes de référence en termes de recherche sur le calcul et la simulation quantique dans les systèmes quantiques photoniques, notamment dans l’information quantique aveugle (Blind quantum computer). Les chercheurs travaillent avec les systèmes photoniques quantiques, les plus matures pour le calcul quantique, pour autant la commercialisation d’un ordinateur quantique n’est pas à prévoir avant plusieurs dizaines d’année.
Le groupe Aspelmeyer : la compréhension du monde physique au cœur de la recherche
Le groupe Aspelmeyer, dirigé par le Prof. Markus Aspelmeyer, travaille sur la compréhension des fondements de la physique, en développant des connaissances sur la physique quantique macroscopique, sur la gravité à petite échelle et, à long terme, sur les phénomènes de la gravité-quantique, en unifiant la mécanique quantique et la relativité générale. Les chercheurs de ce groupe développent également des techniques de détection inertielle de précision pour mesurer le champ gravitationnel des plus petites masses sources possibles. « Le groupe Aspelmeyer est l’un des pionniers sur la scène européenne en termes de lévitation quantique, notamment depuis leur publication sur la rétroactivité de contrôle (feedback cooling to the ground state) », explique Salambô Dago, postdoctorante française qui effectue ses recherches au sein du groupe Aspelmeyer. « Mon travail porte justement sur le contrôle quantique des systèmes en lévitation en réussissant à ne pas les chauffer. Plus précisément, je travaille sur les gravimètres supraconducteurs à lévitation à l’aide du Feedback Control (Levitated Superconducting Gravimeters) ». Actuellement, les technologies utilisées sont les pinces optiques, une des méthodes de la théorie du contrôle optimal quantique (Quantum Optimal Control Theory). Cette expérience en Autriche, au-delà d’attiser sa curiosité intellectuelle, permet à la chercheuse « de vivre l’Europe dans le meilleur de ce qu’elle apporte, en travaillant librement avec une communauté de chercheurs européens issus de toute l’Europe, en ayant le sentiment de partager la même culture ». Salambô Dago est lauréate du programme de financement post-doctorat européen, Actions Marie Skłodowska-Curie, et du financement Erwin Schrödringer Discovery.
Salambô Dago ©Salambô Dago
Le groupe Aspelmeyer collabore également avec l’École polytechnique fédérale de Zurich (Eidgenössische Technische Hochschule Zürich - ETH) dans le cadre du projet européen Q Xtreme du Conseil européen de la recherche (CER). Doté d’une enveloppe de 13 millions d’euros pour une période de 6 ans (2021 à 2027), le projet vise à déterminer si les lois de la physique quantique peuvent s’appliquer sur les objets massifs, en testant la superposition quantique à des échelles macroscopiques.
En outre, il existe différentes initiatives mises en place, comme la récente initiative Quantum Austria lancée en 2021 et dotée d’un financement de 107 millions d’euros, pour intensifier la recherche fondamentale sur les technologies quantiques et faire progresser l’exploitation et la mise sur le marché de produits et services innovants dans ce domaine (pour plus d’informations, consulter la veille du mois de juillet 2021). « Le développement industriel reste cependant à la marge en Autriche. En comparaison, l’Allemagne favorise beaucoup plus l’entrepreneuriat dans le domaine du quantique », estime le Prof. Philip Walther.
Pour en savoir plus :
Le groupe Walther
Le groupe Aspelmeyer